Agir vers la sobriété numérique

Nous sommes face à une crise écologique sans précédent, qui remet en cause l’ensemble de notre organisation sociale. Des transformations majeures s’imposent, de nature politique, économique, technique, culturelle… Les sciences et technologies du numérique modifient profondément nos sociétés et peuvent être des éléments de solution pour accompagner ces transformations vers un mode de vie soutenable. Mais, elle peuvent aussi constituer un facteur aggravant de cette crise. Dans ce contexte, EcoInfo agit au sein de l’ESR (Enseignement Supérieur et Recherche) pour réduire les aspects négatifs du numérique, notamment en étudiant sur l’ensemble de son cycle de vie ses impacts socio-environnementaux, directs et indirects.

EcoInfo souhaite ainsi vous accompagner dans l’action et même s’il est difficile de donner des conseils définitifs et absolus, nous allons voir ensemble comment il est possible d’agir suivant différents axes pour réduire les impacts des TICs sur notre environnement et appliquer ainsi une forme de sobriété numérique par des comportements et des choix éco responsables (qui tiennent compte des impacts environnementaux du numérique en cherchant à les minimiser).

De la complexité de donner des recommandations précises

Il est extrêmement difficile d’estimer de manière fiable les coûts environnementaux des différentes actions numériques de notre quotidien (envoyer un mail, faire une visio conférence, déposer un fichier dans un cloud, utiliser des outils de communication instantanée ou acheter sur un site marchand). La Recherche a commencé à s’emparer de ces analyses mais les chiffres qui sont publiés aujourd’hui sont encore dans des fourchettes parfois tellement larges qu’il est difficile voire impossible de donner des pistes d’actions efficaces et indiscutables. Le risque est de donner des conseils totalement contre productifs. Par exemple, est-il plus éco responsable de trier ses mails que de les laisser dormir sur un disque de votre datacentre ? Cette question dont la réponse « il faut enlever ses mails inutiles » semble pétrie de bon sens reste compliquée à trancher : quid de l’impact du transfert de ces centaines de mails que l’on va relire pour les trier par rapport à la sur-consommation (relativement dérisoire, elle) de ces mails en stockage « dormant » ? Peut-être serait-il préférable de trier plus sérieusement à la volée lors de la lecture initiale ? Ou de détruire les années antérieures sans relecture ? Et l’outil que j’utilise (client lourd, outil textuel, webmail pour ne citer que les plus évidents) ? Et la plate forme sur laquelle je l’utilise (mobile, machine de bureau, portable ou tablette) ? Et le protocole de lecture des mails que j’utilise est-il le moins consommateur d’énergie ? Un critère pour prendre cette décision de tri pourrait-il plutôt être dicté par la nécessité d’ajouter de nouvelles ressources disques pour stocker les mails  ? Mais le mail est souvent bien dérisoire par rapport aux données vidéos ou d’autres données numériques. Du coup, on peut légitimement se poser la question : « est-ce le bon geste pour commencer  à bien réduire mon empreinte numérique? »

On voit bien qu’il est difficile de trancher de manière simple une question pourtant basique. Les raisons principales de cette difficulté résident essentiellement dans la mouvance rapide des outils numériques (leur évolution est plus rapide que les études autour de ces aspects), la complexité intrinsèque de l’infrastructure et des chemins empruntés par les données en réponse à un geste qui semble élémentaire, l’aspect parfois non linéaire et non reproductible des actes numériques (déposer dans un cloud sur un autre continent ne se passera pas forcément systématiquement de la même manière et n’est absolument pas comparable à le faire sur un serveur local, de même qu’envoyer un mail à 200 personnes réparties sur la planète avec du texte enrichi et des pièces jointes n’a bien évidemment pas le même coût environnemental que que l’envoi à une seule personne d’un simple texte de quelques lignes) ainsi que l’interdépendance de ces éléments entre eux. On pourrait multiplier à l’envi les exemples pour appréhender la difficulté inhérente et multi factorielle à estimer de manière juste l’impact environnemental de nos gestes numériques.

Ainsi, il est devenu indispensable de remettre en cause la notion de croissance infinie dans un monde à ressources finies et de reconnaître que les seules recommandations pertinentes et fiables sont donc de réfléchir aux impacts directs et indirects de nos usages du numérique en s’interrogeant  sur la pertinence environnementale des choix avant de les appliquer pour introduire refus, simplicité et sobriété au sein de nos activités professionnelles et personnelles :

  • Réfléchir avant d’agir : réfléchir à ses besoins logiciels et matériels,
  • Refuser (ne pas) : ne pas produire de données inutiles, ne pas conserver des données inutiles, ne pas acheter ou remplacer trop tôt, par effet de mode ou « d’image », ne pas céder à la course en avant, éviter d’imprimer, ne pas céder à l’obsolescence programmée.
  • Réduire et introduire de la sobriété dans les usages, les achats, la consommation
  • Réutiliser : Il est important de favoriser systématiquement le réemploi de matériel fonctionnel avant d’envisager l’étape du recyclage. Le coût environnemental étant principalement lié à la fabrication des objets technologiques, leur usage « jusqu’au bout » reste la meilleure manière de diminuer leurs impacts environnementaux.
  • Recycler en utilisant les filières officielles.
  • Acheter de préférence auprès de constructeurs engagés dans une démarche éco-responsable
  • Partager : mutualiser le matériel et les licences logicielles, ouvrir ses données (Open Science), ouvrir son code.
  • Élargir sa vision des impacts et s’interroger sur la pertinence des choix et des décisions au niveau de son groupe de travail, voire de la société
  • Rejoignez nous 🙂

Nous allons voir ensemble, de manière plus concrète, quand c’est possible, les différentes pistes d’actions mais aussi quelques fausses bonnes idées.

Agir : oui, mais où et comment ?

Nous vous proposons d’explorer plusieurs axes pour agir : les aspects matériels, l’axe logiciel, la vision orientée données, mais aussi, un regard plus intégré à l’échelle du service numérique dans son ensemble.

Enfin, juste quelques mots et quelques liens vers les aspects légaux et réglementaires (incluant confidentialité et sécurité des données) ainsi que vers l’Open Source et l’Open Science, qui sont des contraintes à intégrer dans sa réflexion d’ensemble.

  • Agir sur le matériel (Hardware) ; Choisir du matériel durable, réutiliser, partager, prendre des garanties longues (minimum 5 ans) ayant les normes environnementales, humaines et énergétiques les plus respectueuses. Et bien sûr, lors de la fin de vie (qui n’est pas la fin de la période de garantie), amener son matériel à une filière officielle et fiable de recyclage (MatInfo4) seule à même de décharger les utilisateurs de la responsabilité légale des D3E.
  • Agir sur le logiciel (Software) : orienter ses choix en priorité vers des logiciels libres et des formats ouverts, assurant ainsi une meilleure pérennité et une meilleure interopérabilité, réfléchir au service numérique dans son ensemble en adoptant une logique éco-responsable minimisant l’usage des ressources physiques, permettant une réutilisation du code en ouvrant la licence, etc…
  • Agir sur les données (Data) : respecter les principes FAIR (pour ne pas perdre les données dont l’acquisition a elle-même un coût environnemental non négligeable), placer la donnée au plus près de l’usage, utiliser des outils de dé-duplication pour la sauvegarde par exemple.

On peut cependant également agir à une échelle plus large et plus globale en se posant la question sur l’ensemble des éléments (type de matériel utilisé, localisation et dimensionnement du matériel, logiciels choisis, données manipulées et leur usage) concernés par un service numérique, soit en questionnant son usage soit en amont de sa mise en place.

  • Agir sur les services numériques : exemples : le service mail, la visio-conférence ou le stockage de données dans le cloud.
  • Agir en direction de l’Open Source : ANSII; L’open Source n’est pas en soi une pratique éco-responsable, mais les principes qui sous-tendent l’Open Source (ouverture du code, transparence et sécurité, documentation, formats échangeables et documentés) participent à simplifier le partage des données et des logiciels et à réutiliser le travail déjà produit, démarche qui participe donc à une forme d’éco-responsabilité. Même si tout n’est pas parfait, loin de là, dans la surabondance des solutions open source existantes.
  • Agir pour la Science ouverte : Open Science (Open Science et FAIR Data)
  • On devra également tenir compte des contraintes légales et agir dans le respect des règles en suivant également les recommandations des services de l’état, le Référentiel Général d’Interopérabilité (outils Open Source) et la licence Etalab (Science Ouverte)