Fig. 6 Salar de Atacama

Le lithium : Impacts de la production

Peu d’informations sont disponibles sur les impacts environnementaux de la production du lithium. Cependant, tentons de voir quels enjeux environnementaux et sociaux découlent de cette activité industrielle. On peut a priori penser que le lithium produit à partir des lacs salés a un impact moins important que celui issu d’une activité minière classique, mais en contrepartie, il demande des pré requis et peut engendrer de nombreux problèmes [[Handbook of Lithium and Natural Calcium Chloride, Donald E. Garrett, 2004, Science, 476 pages]]. Le premier implique de disposer de surfaces importantes et plates pour implanter les bassins d’évaporation, de préférence sur des terrains bon marché et bénéficiant d’un climat propice; c’est le cas des lacs salés asséchés. Les zones d’évaporation doivent être divisées pour maximiser le taux global d’évaporation et doivent être étanches. En Arkansas (États-Unis), où les conditions climatiques ne sont pas aussi propices à une extraction efficace du lithium, l’évaporation n’étant pas suffisante, on a recours à une technique d’adsorption sélective très gourmande en eau. A la fin des années ’90, l’USGS a préconisé de réduire la consommation en eau de ce site de 70% afin de ne pas remettre en cause l’approvisionnement en eau potable de la région.

Salar de Uyuni (Bolivie)

Prenons le cas du Salar de Uyuni en Bolivie où l’exploitation n’a pas commencé (40% des ressources de lithium issues de saumures). Dans cet espace encore préservé, c’est en premier lieu la perte d’un écosystème unique hébergeant de nombreux oiseaux à la période de reproduction, qui est à craindre. Ses paysages d’une exceptionnelle beauté le classent parmi les merveilles du monde et font venir de plus en plus de visiteurs. La profondeur d’exploitation est très faible : elle n’excède pas 11 m et est comprise entre 2 et 5 m dans les zones de plus forte concentration en lithium. En conséquence, la quantité de lithium disponible par unité de surface est faible et pour une production donnée de lithium, il faudra exploiter une plus grande surface [[The trouble with lithium 2 under the microscope, Meridian International Research, 05/2008]]. Ceci ne manquera pas d’amplifier la dégradation environnementale de cette région. Pire, les difficultés de pompage à des profondeurs si faibles peuvent conduire à simplement ouvrir de larges excavations en surface, les laisser se remplir de saumure et les pomper, ce qui aurait des conséquences environnementales encore plus importantes.

Salar de Atacama (Chili)

D’après une étude sur la contribution des batteries Li-Ion à l’impact environnemental des véhicules électriques [[Contribution of Li-Ion Batteries to the Environmental Impact of Electric Vehicles, Dominic A. Notter et al., Environ. Sci. Technol., 2010, 44 (17), pp 6550–6556]], on peut évaluer les traitements nécessaires à l’activité dans les lacs salés avec l’exemple de ce qui se passe dans le désert de Atacama :

  • le pompage des solutions salines entre les différents bassins d’évaporation nécessite des pompes fonctionnant au diesel
  • les bassins doivent être étanchés par des films PVC
  • la saumure concentrée en lithium doit être traitée avec des additifs pour enlever le bore présent dans le sel et ensuite subir une étape de purification
  • pour finir, de la soude est ajoutée pour produire du carbonate de lithium (Li2CO3)
  • le sel est alors, filtré, lavé et séché pour obtenir une pureté supérieure ou égale à 99%

Sur cette vue satellite (cf. figure 6), on mesure l’importance des installations de production de lithium au Salar de Atacama (Source : Google maps).

Fig. 6 Salar de Atacama

En 2008, SQM a augmenté sa production de carbonate de lithium, la passant à 48 000 t/an, ce qui implique l’accession à des zones du Salar où la concentration en lithium est plus faible et qui accroit la quantité de ressources nécessaires pour une production de lithium moins importante [[]]. Le passage de la production à 100 000 t/an impliquerait une augmentation de la zone d’exploitation incluant de nouveaux puits de pompage, tuyaux et bassins d’évaporation. En effet, creuser plus profond ne sert à rien car la concentration en lithium chute de manière exponentielle avec la profondeur. Au delà de 35 m de profondeur dans le Salar de Atacama, il n’y a plus de lithium et la seule manière d’accroitre la production est d’étendre la surface d’exploitation. Les atteintes subies par cet écosystème unique seraient importantes.

|Un reportage daté d’Avril 2009 (Source : Dailymail.co.uk) montre les impacts environnementaux de l’exploitation du désert d’Atacama : Dans les collines desséchées de la région nord du Chili, les dommages causés par l’extraction du lithium sur l’environnement sont immédiatement visibles : une des plus grandes zones d’exploitation du pays ressemble à un immense champ labouré, d’énormes montagnes de sel blanc brillant s’élèvent au dessus de la plaine, la terre brune craquelée du site s’effrite dans les mains, il n’y a aucun signe de vie animale, l’eau rare a été contaminée par des fuites chimiques provenant de la mine. Des canaux énormes et des pistes ont été implantés dans le désert, chacun charriant de l’eau gravement polluée.|

Salar de Hombre Muerto (Argentine)

Il s’agit du second site sud-américain à avoir été mis en production (1997-1998) après le Salar de Atacama. Au lieu de l’évaporation solaire, la technique utilisée ici est un système d’adsorption d’alumine qui extrait directement le lithium de la saumure. Une alimentation d’eau douce est nécessaire pour chasser le lithium et recharger les bains d’adsorption. Ce salar est plus petit en surface mais la saumure peut être pompée ici à des profondeurs beaucoup plus importantes que tous les autres sites.

Production à partir de minéraux

Comme nous l’avons a priori estimé, la production de carbonate de lithium à partir de minéraux (filière minière classique) génère davantage d’impacts environnementaux qu’à partir de saumures tant au niveau énergétique, chimique, que des besoins en eau. Pour prendre un exemple d’actualité, une mine à ciel ouvert va démarrer en 2012 la production de lithium au Canada [[Source : Canada Lithium Corp]]. Cette technique consiste à creuser progressivement un puits conique inversé dont les dimensions peuvent atteindre plusieurs km de diamètre et plusieurs centaines de mètres de profondeur. L’extraction est réalisée par explosions successives du sol; ensuite on effectue le transport du matériau extrait jusqu’à l’unité de concentration; on procède ensuite à la séparation des parties stériles (stockées en terrils) du minerai à concentrer; le minerai est ensuite traité par des procédés adaptés comme nous allons le voir ci-dessous. Ce type d’exploitation a des conséquences environnementales et sociales (cf. aspects sociaux) [[L’industrie minière à grande échelle dans la province argentine de Jujuy (02/2011)]]: les pollutions des sols, des eaux et de l’air, une consommation énergétique et d’eau importantes. Les explosions successives soulèvent d’énormes nuages de poussière et polluent l’atmosphère qui se charge en gaz toxiques provocant des pluies acides. Les réactifs hautement toxiques très souvent présents dans les effluents sont relâchés dans les cours d’eau et le sous-sol causant également de graves pollutions. De plus, l’eau de mine et le drainage minier acide (DMA) produisent des contaminations amplifiées près la fermeture des mines.

DMA : Définition [[Source BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières)]] Les affleurements de minéraux sulfurés sont naturellement sujets à une oxydation par contact avec l’air et l’eau. Ce phénomène lent entraîne l’apparition d’acide sulfurique et la solubilisation des métaux présents. Lorsque des travaux miniers (excavations et pompages) perturbent l’équilibre chimique de ces affleurements et des gisements de sulfures métalliques profonds en les plaçant brutalement en conditions oxydantes, cette réaction amplifiée crée des écoulements acides appelés “Drainages Miniers Acides” ou DMA. Les effluents formés contiennent des concentrations parfois toxiques de métaux et constituent l’un des problèmes environnementaux majeurs de l’industrie extractive mondiale. Dans les cas les plus sévères, la vie aquatique dans les cours d’eau récepteurs des DMA disparaît durablement sur de longues distances. L’impact est aggravé du fait de l’aptitude des DMA à s’auto-entretenir et à se propager sur le site minier.

Prenons le cas du minerai de spodumène pour détailler le processus d’obtention du carbonate de lithium [[The canadian encyclopedia]] :

  • les concentrés de spodumène doivent être chauffés aux environs de 1100°C pour en augmenter la réactivité
  • ils sont ensuite finement broyés ce qui demande de l’énergie et des moyens mécaniques
  • une fois broyés, les concentrés sont mélangés à de l’acide sulfurique puis chauffés à 250°C : on obtient du sulfate de lithium
  • on lave ce mélange pour dissoudre le sulfate de lithium
  • pour terminer, on ajoute du bicarbonate de soude pour produire le carbonate de lithium

Quelles améliorations pour réduire l’impact environnemental ?

Dans un récent rapport rédigé par un comité d’experts de la division pour le développement durable des Nations Unies [[Source : http://www.un.org/esa/dsd/csd/csd_pdfs/csd-19/sg-reports/CSD-19-Report-on-EGM-on-Sustainable-Development%20of%20Lithium%20Resources-in-Latin-America-single-spaceddoc.pdf (11/2010)]], des préconisations ont été discutées avec les principaux pays producteurs de manière à minimiser les impacts environnementaux sur des écosystèmes rares et extrêmement fragiles. Des études d’évaluation d’impact sur l’environnement compréhensibles et des outils de contrôle sont indispensables pour minimiser et atténuer les impacts sur la flore, la faune et les écosystèmes des lacs salés et les zones périphériques. Les installations dédiées à l’extraction et au traitement du lithium sont généralement prévues pour opérer sur le long terme. Néanmoins, l’application du principe de précaution suggèrerait de prendre un ensemble de mesures visant à assurer une provision financière suffisante à la prise en charge de la réhabilitation des sites à la fin de l’exploitation.

Suite de l’article : les aspects sociaux