Source : IMCOA - Industrial Minerals company of Australia (03/2009)

Les terres rares : Perspectives

L’essor grandissant des TICs ces dernières années et plus récemment celui des technologies vertes repose et reposera sur l’emploi des terres rares. Plusieurs nouvelles technologies en cours de développement reposent sur l’utilisation des terres rares comme la supraconduction (yttrium) ou la réfrigération magnétique (gadolinium). Les technologies vertes ne sont pas en reste :

– les moteurs électriques à base d’aimants permanents conçus à partir de néodyme (Terbium-Dysprosium) équipent les voitures hybrides (un véhicule hybride classique peut contenir jusqu’à 20 kg d’éléments de terre rare, notamment la batterie rechargeable NiMH, le système de freinage à récupération d’énergie et le moteur électrique à aimant permanent)
– les générateurs des grosses éoliennes offshore (une éolienne offshore de 3 mégawatts peut contenir jusqu’à 600 kilos de néodyme)

Dans le même temps qu’on voit cette demande en terres rares exploser, leur raréfaction commence à poindre : on estime que le terbium (Tb) est l’une des premières matières fossiles dont les stocks disponibles seront épuisés en 2012. Existe-t-il des matériaux de substitution ? Ils sont peu nombreux si ce n’est remplacer des terres rares par d’autres terres rares (néodyme-praséodyme). On peut ainsi remplacer des aimants permanents au néodyme par des aimants ferrites, mais au prix d’une qualité et de rendements bien moins intéressants. On peut aussi noter que les batteries nickel-hydrure métalliques (NiMH) qui contiennent du lanthane seront progressivement remplacées par des batteries lithium-ion (Li-ion).

Source : IMCOA - Industrial Minerals company of Australia (03/2009)
Notes : tpa = tonnes per annum; 2008f = “f” pour forecast (prévision)

Si la disponibilité globale des ressources en terres rares n’est pas encore remise en cause, il n’en va pas de même en matière commerciale : la réduction des exportations chinoises produit un risque de pénurie de terres rares disponibles pour les industries consommatrices. Les États-Unis considèrent les terres rares comme crucial pour leur industrie high-tech et les ont intégrées à leur liste de métaux rares critiques. L’union européenne est en train de faire de même (voir l’article L’accès aux métaux rares est critique pour l’Europe – L’Usine Nouvelle, Juin 2010) et notre article « Des matériaux critiques pour l’Union Européenne« .

Face à la reprise des activités minières australienne et bientôt américaine, le discours chinois sur la réduction des exportations tend à s’infléchir : ses quotas d’exportation pourraient augmenter un peu sur les premiers mois de 2010.

Organiser le recyclage

Devant la prévisible tension sur le marché des terres rares, une des solutions (à part la découverte hypothétique de nouveaux gisements), est l’organisation de la filière recyclage, même si la récupération d’éléments en si faibles quantités n’est pas chose aisée. A titre d’exemple, l’indium (In) recyclé devance aujourd’hui l’indium produit. 2g d’indium sont nécessaires à la fabrication de chaque ordinateur portable. Mais comme la demande ne cesse de croître…

Devant la réduction des exportations chinoises, la résistance s’organise : des initiatives (au niveau R&D pour l’instant) se multiplient pour étudier la faisabilité du recyclage des terres rares. Par exemple, des chercheurs de l’Institut des Sciences Industrielles de l’Université de Tokyo ont trouvé un procédé permettant de recycler le néodyme contenu dans les aimants présents dans les moteurs de voitures hybrides et dans les disques durs, le chimiste français Rhodia va lancer une filière de récupération des terres rares utilisant un nouveau procédé permettant de recycler ces éléments contenus dans les lampes basse consommation usagées (terbium, yttrium, europium, gadolinium, lanthane, cérium), une PME allemande dépose des brevets sur la récupération des métaux précieux et entend profiter du marché potentiel en train de s’ouvrir. Umicore et Rhodia viennent de mettre au point un procédé unique de recyclage des terres rares contenues dans les batteries rechargeables NiMH (nickel-métal-hydrure) qui devrait être opérationnel fin 2011. Actuellement, seulement 1% des terres rares sont recyclées à la fin de vie des produits qui en détiennent.

Stocks de métaux dans la société et taux de recyclage

Le Panel International pour la Gestion Durable des Ressources du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) s’est penché sur les stocks mondiaux de métaux dans la société et les taux de recyclage (mai 2010). Ce rapport indique clairement que, devant la pression sur les ressources naturelles grandissante, la meilleure manière de limiter l’impact environnemental de l’activité minière est de développer le recyclage en considérant les stocks de métaux comme de véritables mines hors-sol. Le recyclage des métaux demanderait plus de dix fois moins d’énergie que son obtention par extraction minière. Parmi les secteurs d’activités étudiés, l’électronique est un domaine où les cycles de matières non-fermés sont courants. De plus, les taux de recyclage sont très faibles sur les métaux spéciaux.
Cependant, malgré la convention de Bâle qui règlemente l’exportation des DEEE hors de la Communauté Européenne (la France a ratifié cette convention, mais pas les Etats-Unis), de nombreux DEEE retournent vers ces pays émergents souvent sous couvert de dons de matériel fonctionnel. Ces déchets coûteux à recycler dans les pays occidentaux deviennent une matière première valorisable dans les pays où la main d’œuvre est bon marché et les conditions de retraitement beaucoup moins contraignantes. La multiplication de matériaux à base de terres rares ne fera qu’amplifier l’impact environnemental du recyclage réalisé dans des conditions artisanales. “Le recyclage des composites et hybrides est un défi en raison même de leur aspect multimatériaux.” (cf. Les enjeux des nouveaux matériaux métalliques – BRGM). Une étude sur les rejets de substances dangereuses dans le cadre d’opérations de recyclage des DEEE en Chine et en Inde [[A review of the environmental fate and effects of hazardous substances released from electrical and electronic equipments during recycling : Examples from China and India Alejandra Sepúlveda, Mathias Schluep, Fabrice G. Renaud, Martin Streicher, Ruediger Kuehr, Christian Hagelüken, Andreas C. Gerecke, Environmental Impact Assessment Review 30 (2010) 28–41, April 2009]], montre que les personnes et l’environnement exposés directement et indirectement, sont gravement affectés par ces activités.

Cette tension sur le marché des terres rares a un double effet domino puisque de nouveaux sites d’extraction de terres rares voient le jour, comme Mount Weld en Australie et d’autres qui avaient fermé, comme Mountain Pass en Californie pour les Etats Unis, vont bientôt reprendre leur activité. Enfin, le troisième effet constaté est que certains industriels, dont les besoins en terres rares sont cruciaux, implantent leurs usines de production en Chine [[Rare Earth : Production, Trade and Demand Feng HONG, Journal of Iron and Steel Research, International Volume 13, Supplement 1, 2006, Pages 33-38]].

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