Figure 1. Placer de minerai aurifère (Wikipedia)

Les mines de minerais métallifères

Mise à jour du 28 juin 2014

Introduction

L’activité minière consiste traditionnellement à exploiter de manière commerciale les ressources minérales ou énergétiques contenues dans les sols et plus récemment au fond des océans. Il s’agit d’une activité ancienne puisqu’en Europe, elle remonte à plus de 3500 ans [[Amezaga (2011). A Rich Vein? Mining and the Pursuit of Sustainability. Environ. Sci. Technol. 2011, 45, 21–26]]. L’activité minière européenne a graduellement diminué au 20ème siècle alors que le charbon a cessé d’être la source majeure d’énergie et que l’extraction des autres matières premières a été moins compétitive dans un monde de plus en plus globalisé. Les différents minerais contenant les matériaux nécessaires aux TIC proviennent aujourd’hui largement des pays émergents ou sous-développés. Ils sont issus de mines industrielles mais également artisanales. Si l’on fait exception des mines artisanales, le nombre de mines de niveau industriel produisant des métaux dans le monde est évalué à 2500 unités et 6000 Mt (mégatonnes, i.e. milions de tonnes) de minerais métallifères sont extraits chaque année [[Polinarès (2012), Mining technology – trends and development]] et [[Bihouix P., de Guillebon B. (2010). Quel futur pour les métaux ? Raréfaction des métaux : un nouveau défi pour la société. EDP Sciences]]. Pour donner une idée du nombre de mines « non industrielles » qui ne sont pas classées parmi les mines de première importance, la Chine compte quelques 8 300 mines de fer (après fermeture de petits sites artisanaux ces dernières années) parmi lesquelles seulement 48 sont considérées comme des mines de première importance).

Au total, le montant de la roche déplacée dans le secteur de l’exploitation minière des métaux au niveau mondial est donc d’environ 15 Gt/an (gigatonnes, i.e. milliards de tonnes), soit environ l’équivalent du poids de 3000 pyramides de Kheops.

Les minerais métallifères

Un minerai est une roche contenant des matériaux dont les propriétés intéressent les industriels. S’ils sont présents dans des quantités satisfaisantes d’un point de vue économique, ils seront extraits et traités pour être livrés aux industriels qui les utiliseront. La majorité des minerais métallifères rencontrés sur notre planète sont les suivants :

  • des oxydes (bauxite pour l’aluminium)
  • des sulfures (galène pour le plomb, sphalérite pour le zinc)
  • des carbonates (malachite pour le cuivre, sidérite pour le fer)
  • des silicates (garniérite pour le nickel et le magnésium)

D’autres matériaux, en dehors du champ de cet article, entrent en ligne de compte pour la fabrication des équipements des TIC :

  • du pétrole pour les matières plastiques (coques, claviers, souris, enrobage des câbles,…)
  • de la silice (puces électroniques, verre des écrans,…)
  • du lithium (batteries)
  • des substances chimiques (retardateurs de flammes,…)

Pour en savoir plus, voir l’article « Les matériaux impliqués dans les TIC« .

Les différents types de mines

Les matériaux extraits des milieux naturels sont issus de quatre types de mines :

  • les placers
  • les mines de surface (open-pit)
  • les mines souterraines
  • les sites en mer (offshore)

Les placers

Figure 1. Placer de minerai aurifère (Wikipedia) Les placers sont des mines de surface particulières qui répondent à la définition suivante : « gisement secondaire de roches sédimentaires, le plus souvent d’origine alluvionnaire, produisant des métaux et des minéraux lourds, notamment de l’or et des pierres précieuses ».
Les éléments recherchés sont triés naturellement par l’action des cours d’eau. Le triage final des paillettes d’or peut s’effectuer à la batée (cuvette conique) ou à l’aide d’une rampe de lavage. L’avantage que constitue ce type de gisement est son accessibilité et la possibilité de fortes concentrations. Les placers représentent de 4 à 5% des mines métallifères [[]]. La figure 1 montre un placer californien datant du milieu de la seconde moitié du 19ème siècle où deux hommes attaquent un site à la lance à eau.

Les mines de surface

Figure 2. Mine de cuivre de Chuquicamata au Chili (Google)Les mines de surface représentent 52% des mines produisant des métaux et 83% des minerais métalliques extraits [[]]. C’est la méthode d’extraction privilégiée pour les gisements peu profonds. La géométrie de ce type de mine est généralement plus large que profonde pour accroitre la stabilité des parois. Les mines à ciel ouvert constituent la méthode employée pour les extractions de grande ampleur, alors que les mines souterraines concernent plutôt les extractions de plus petite taille. Certains minerais sont extraits suivant les deux méthodes dans des proportions plus ou moins importantes. La plupart de l’extraction de minerai de bauxite, de fer, de cuivre est réalisée à partir de techniques à ciel ouvert. On peut y ajouter l’or, l’argent, le molybdène, le nickel (latérites),… (Wikipedia, 2013). Les minerais de plomb et de zinc sont principalement issus de mines souterraines et les métaux précieux, comme l’or particulièrement aux USA et en Australie, sont extraits ces dernières années à partir de mines à ciel ouvert de faible concentration [[Yamatomi (2012), Surface Mining Methods and Equipment. UNESCO – EOLSS SAMPLE CHAPTERS CIVIL ENGINEERING, Vol. II]]. Certains sites, dont les possibilités d’exploitation à ciel ouvert deviennent nettement moins intéressantes, passent à une exploitation souterraine. C’est le cas de la mine de cuivre à ciel ouvert de Chuquicamata au Chili (figure 2) dont la fermeture était programmée en 2013 et la réouverture en mine souterraine en 2018 (Mining-technology.com, 2013). Un réseau de quatre tunnels couvrant 1500 km sous le fond de la mine actuelle sera mis en place. À la fin prévue de cette nouvelle phase d’exploitation, en 2060, ces tunnels abaisseront le niveau actuel du fond de la mine de près de 800 m (il se situe aujourd’hui à -850m).

Les mines souterraines

L’extraction souterraine est divisée en deux grandes catégories selon qu’elle s’effectue dans de la roche dure ou de la roche plus tendre. Les minerais métallifères relèvent de la première catégorie, alors que la seconde catégorie concerne plutôt le charbon ou les sables bitumineux. 43% des mines métallifères mondiales sont souterraines et génèrent 17% des minerais métalliques extraits [[]]. Les techniques employées permettent de remonter à la surface des minéraux durs, principalement des minerais métallifères contenant de l’or, de l’argent, du fer, du cuivre, du zinc, du nickel, de l’étain et du plomb.
Figure 3. Coupe d'une mine souterraine (Wikipédia)L’extraction souterraine demande davantage d’énergie que l’extraction de surface à cause des mécanismes pour ramener le minerai en surface, pour ventiler et pomper l’eau des galeries,…[[Norgate (2010), Energy and greenhouse gas impacts of mining and mineral processing operations. Journal of Cleaner Production 18 (2010) 266–274]]. Par contre, ce type d’extraction génère beaucoup moins de déchets que l’exploitation de surface, ne dépassant pas 10% de la production totale de minerai métallique [[]].

L’accès à une mine souterraine peut être effectué, suivant la topographie du site, par le biais d’une rampe, d’un puits vertical ou d’une galerie horizontale. Un mixte de ces types d’accès peut être réalisé comme dans l’exemple ci-contre. L’excavation dans le minerai est effectuée horizontalement et par paliers.

La figure 3 ci-dessus montre une représentation 3D d’une mine souterraine à puits vertical d’accès et plusieurs galeries horizontales d’accès à la poche de minerai.

Les profondeurs parmi les principales mines souterraines sont impressionnantes :

  • 3900 m pour la mine d’or de Tau Tona en Afrique du Sud (la plus profonde du monde)
  • 3000 m pour la mine d’or, cuivre, zinc et argent de LaRonde au Québec
  • 2200 m pour la mine de platine et palladium de Merenski Reef en Afrique du Sud
  • 1800 m pour la mine de cuivre, zinc et plomb de Mt Isa en Australie

Déjà en 1977, la profondeur de 3500 m avait été atteinte en Afrique du Sud [[Dearing (1997), Ultra-deep level mining -future requirements. The Journal of The South African Institute of Mining and Metallurgy]]. Mais aujourd’hui, face à la baisse des concentrations constatées, les compagnies minières s’intéressent de plus en plus à l’extraction ultra-profonde. Ainsi, une compagnie minière opérant en Afrique du sud espère toucher des concentrations d’or de l’ordre de 25 g/tonne à des profondeurs de 5 km, voire plus ! [[Mining Weekly.com (2013), http://www.miningweekly.com/article/anglogold-ashanti-moving-closer-to-ultra-deep-mining-goal-2013-02-05 (site accédé le 15/05/2013)]]. À Tau Tona, la descente en ascenseur vers le front de taille à -3900 m prend plus d’une heure.

Les sites en mer

Longtemps laissée de côté pour des raisons de coût, l’exploitation de gisements offshore tend aujourd’hui à se développer. On considère généralement cette catégorie d’extraction réservée aux énergies fossiles (pétrole, gaz). En effet, devant la déplétion des ressources terrestres, l’extraction sous-marine de pétrole est passée de 10% de la production mondiale en 1960 à 30% en 2010 [[Arte (2012), Le dessous des cartes – La cartographie des abysses : l’exploitation (2/2)]]. Comme pour l’extraction terrestre, l’extraction offshore des hydrocarbures doit être réalisée de plus en plus profondément : on est passé de – 500 m à la fin des années 1970 à plus de – 2500 m à la fin des années 2000. On envisage même, au large des côtes de la Guyane française, d’exploiter une nappe de pétrole off-shore à – 6000 m de profondeur par 2000 m de fond [[EcoInfo (2012). Les impacts écologiques des Technologies de l’Information et de la Communication. EDP Sciences]].

Figure 4. Gisements métalliques offshore (Shrope, 2013)Concernant les matériaux des TIC, il semble que, devant l’urgence à disposer des ressources stratégiques sans subir le monopole des principaux pays producteurs actuels ou pour faire face à leur déplétion, la recherche de nouveaux gisements de métaux rares au fond des océans s’organise. Les principales ressources minérales sous-marines répertoriées comme potentiellement intéressantes à exploiter sont les suivantes :

Type de minerai Profondeur moyenne Présence Ressources trouvées
Nodules polymétalliques 4000 – 6000 m Tous les océans sous toutes les latitudes Nickel, cuivre, cobalt et manganèse
Encroûtements cobaltifères 800 – 2400 m Tous les océans dans les zones sans dépôt de sédiments Essentiellement cobalt, un peu de vanadium, molybdène et platine
Dépôts de sulfures hydrothermaux 1400 – 3700 m Sur les 60 000 km de dorsales océaniques d’origine volcanique Cuivre, plomb, zinc un peu d’or et d’argent

De nombreux articles font référence à l’intensification de l’exploration aux fins d’exploitation sous-marine en vue de palier les déficiences des gisements terrestres. Quelques exemples :

  • La zone la plus prometteuse en matière de nodules se situe dans le Pacifique équatorial Nord nommée « Clarion Clipperton Fracture Zone » où 13 permis d’exploration représentant chacun 75 000 km 2 ont été accordés ou en cours de signature [[CNRS-IFREMER (2014), Impacts environnementaux de l’exploitation des ressources minérales marines profondes]]
  • D’autres zones d’exploration existent dans le bassin péruvien situé dans le Pacifique Sud et dans l’Océan Indien [[Ahnert (2000), Environmental risk assessment of anthropogenic activity in the deep sea. Journal of Aquatic Ecosystem Stress and Recovery 7: 299–315, 2000]]
  • Les USA ont récemment annoncé leur intension d’explorer la récolte de nodules polymétalliques dans l’Océan Pacifique à 1500 km au sud-ouest du Mexique [[Shrope (2013), UK company pursues deep-sea bonanza. Nature, vol 495]]
  • De nouveaux acteurs comme la Chine, la Corée du Sud et le consortium IOM (Bulgarie, Cuba, Slovaquie, République tchèque, Pologne et Fédération de Russie) concentrent leurs recherches dans des zones peu explorées du Pacifique Nord
  • Le Japon n’est pas en reste dans sa course à l’indépendance vis-à-vis de la Chine au niveau des terres rares puisque ses investigations auraient mis à jour d’importants gisements entre 3500 et 6000 m de profondeur, toujours dans le Pacifique [[Le Monde & AFP (2013), Le Japon affirme avoir découvert des gisements de terres rares sous-marins]]. Cependant, les concentrations annoncées (de 0,1 à 0,2%) sont largement inférieures à celles des minerais terrestres actuels [[Ifremer (2013), [Les ressources minérales du futur]].

Devant l’ampleur des demandes de permis d’exploration, les profondeurs annoncées et le peu de contrôle sur ces zones internationales, on est en droit d’être inquiet pour l’équilibre de ces secteurs déjà fortement fragilisés. C’est d’ailleurs les conclusions de l’étude élaborée par le CNRS et de l’IFREMER à la demande du ministère de l’écologie [[]]. Ce rapport mentionne que plus d’1,8 million de km 2 de fonds océaniques a déjà fait l’objet d’une demande de permis d’exploration. Si la phase d’exploration ne soulève pas de points de vigilance particuliers, il n’en est pas de même de la phase d’exploitation sur laquelle les données sont faibles. Une attention toute particulière sur les conséquence de l’exploitation sur les fonds océaniques, sur les zones de traitement du minerai et en surface est mise en avant par le rapport.

Conclusion

Comme on vient de le découvrir, les minerais contenant les différents matériaux à partir desquels sont fabriqués les équipements électroniques proviennent de gisements très différents. La baisse globale constatée des concentrations des matériaux recherchés dans les minerais oblige à exploiter des sites de plus en plus profonds, à traiter des minerais de plus en plus pauvres, voire à explorer le fond des océans. Selon le type de site (en surface, souterrain, sous-marin, dans le lit des cours d’eau), le type de gangue dans laquelle les matériaux recherchés sont présents, leur concentration dans le minerai, la profondeur d’extraction, les éventuels mélanges avec d’autre ressources valorisables dans le minerai, les techniques d’extraction et de traitement de ces minerais seront bien différentes. Il est fort probable qu’il en sera de même pour les impacts environnementaux.