Les terres rares : Évolution des politiques environnementales en Chine

Face aux impacts liés à l’extraction, la séparation et la raffinage des terres rares que nous avons décrits, la Chine a réalisé la nécessité de mettre en œuvre une politique améliorant la gestion de la ressource ainsi que les pratiques de management de cette industrie plus durables[[Study on Rare Earths and Their Recycling, Final Report for The Greens/EFA Group in the European Parliament, January 2011]]. Dans ce but, la Chine a mis en place une série de régulations et de standards.

Critères d’entrée pour l’industrie des terres rares

En Mai 2010, le Ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information chinois a publié un avis sur le projet consultatif de « Critères d’entrée pour l’industrie des terres rares » (MIIT 2010) qui définit les seuils et pré requis en termes de protection de l’environnement pour accompagner l’industrie des terres rares dans un développement durable et la restructurer. Voici les principaux aspects environnementaux :

– l’extraction de monazite pure est interdite en raison des éléments hautement radioactifs contenus dans ce minerai
– les installations traitant de la bastnaesite et des minéraux mélangés doivent se doter d’un système de traitement complet des effluents liquides, gazeux et des déchets solides
– en ce qui concerne les mines à adsorption d’ions, la lixiviation[[La lixiviation est une technique d’extraction de produits solubles. Elle consiste à faire passer lentement un liquide à travers un solide en poudre. Le lixiviat, liquide que produit l’opération, peut ensuite être traité pour en extraire les substances dissoutes – Source Wikipédia]] in situ doit être employée
– la saponification à l’ammoniaque pour le raffinage des terres rares est interdite
– le raffinage de métal élémentaire ne devrait pas adopter le processus de métaux électrolysés par leurs chlorures
– en ce qui concerne le système d’électrolyse à base de sel fluorure fondu, les installations devront être équipées d’un système pouvant traiter des eaux usées et des gaz contenant du fluor
– les déchets solides contenant du fluor doivent être stockés séparément et ne doivent pas être mélangés avec d’autres déchets industriels
– des exigences d’efficacité énergétique et des spécifications concernant la demande énergétique maximale par t de terres rares produite sont indiquées
– en ce qui concerne la préservation de la ressource, il est également exigé que le taux de perte d’extraction pour les minéraux de terres rares mélangés et la bastnaesite n’excède pas 10% et que le taux de récupération du traitement des minerais ne soit pas inférieur à 72%
– en ce qui concerne les mines à adsorption d’ions, le taux de récupération du traitement des minerais ne devrait pas être inférieur à 70%
– le taux de recyclage des eaux usées issues du traitement des minerais de terres rares mélangées et la bastnaesite ne devrait pas être inférieur à 85%, tandis que celui concernant les mines à adsorption d’ions ne devrait pas descendre sous 90%
– la réhabilitation des usines et de la végétation après l’exploitation de mines à adsorption d’ions devrait concerner au moins 90% des surfaces affectées
– le rendement des métaux de terres rares raffinés devrait être supérieur à 92 %

Le plan de développement de l’industrie des terres rares pour la période 2009-2015

Le but principal de ce plan est de simplifier la gestion des ressources en terres rares de la Chine dont voici les principaux aspects environnementaux :
– la Chine ne permettra pas l’ouverture de nouvelles mines dans cette période; les entreprises de ce secteur devront améliorer leurs installations techniques, la protection environnementale et la capacité de gestion
– la fermeture des exploitations petites et illégales y compris les installations de séparation et de traitement pour mieux contrôler la filière
– un système de surveillance des conditions d’extraction des terres rares sera mis en place par le MIIT pour veiller à la mise en œuvre des directives nationales

Standards d’émissions pour l’industrie des terres rares

Le ministère de l’environnement chinois a finalisé les standards d’émissions pour l’industrie des terres rares en Juillet 2010. Ces derniers devraient être appliqués prochainement et fixer des seuils de quantité de polluants contenus dans les déchets liquides, solides (dont les déchets radioactifs contenant du thorium notamment) et gazeux. En comparant ces seuils avec ceux appliqués dans les pays industrialisés, il apparait que certains sont plus sévères.

Les recherches chinoises pour une production propre des terres rares

Dernièrement, la Chine semble vouloir soutenir activement la recherche en matière de production propre tendant vers vers une croissance économique et sociale durables. Plusieurs projets de recherche s’inscrivent dans cette démarche :
– utilisation poussée des résidus et aucune émission (Che 2008)
– étude d’un processus de recyclage complet et production propre de filtration des terres rares par utilisation de sulfate (University of Science & Technology Beijing 2009)
– amélioration du taux d’extraction de scandium de Bayan Obo à 98% en employant une technologie d’émulsion de membrane liquide (Che 2008)
– processus de lixiviation à base d’acide sulfurique qui produit du cérium de haute pureté et réalise la séparation du fluor et du thorium (Luo et al., 2008)
– processus d’extraction à base d’acides sulfurique et chlorhydrique pour séparer le néodyme et le samarium. Cette méthode élimine la génération d’eaux usées d’azote d’ammoniaque et diminue de 20% la consommation d’autres agents d’extraction (MEP 2009)
– processus d’extraction et de séparation du cérium, du thorium et du fluor à partir d’une solution de sulfate de terres rares augmentant le ratio de séparation du thorium, ne générant aucune émulsion pendant l’extraction, permettant d’extraire et séparer tous les éléments dans le même système d’extraction, d’obtenir des eaux usées exemptes d’azote ammoniacale et de récupérer le fluor et le thorium (Beijing Nonferrous Metal 2008)
– les techniques de synthèse classiques d’iodure de dysprosium fortement purifié emploient du mercure qui pollue considérablement l’environnement; un procédé de synthèse entre le dysprosium et l’iode a été mis au point donnant de l’iodure de dysprosium (anhydre) d’une pureté de 99,95% avec un rendement de 88% (Liu et al., 2008)
– méthode pour une séparation améliorée des terres rares lourdes avec une technologie optimisée de membrane (XIAN Technological University 2009)

Notre avis

On le voit, les efforts de la Chine en matière de limitation des impacts environnementaux et sociaux pour l’extraction et le traitement des terres rares semblent réels. Les buts détaillés dans cette étude sont de préserver la ressource en améliorant le rendement dans l’extraction pour diminuer les pertes de ces matériaux rares et précieux pour les industries de hautes technologies. D’autre part, devant l’explosion des nuisances constatées (pollutions chimiques et radioactives de l’air, de l’eau, des sols, passage de polluants dans la chaîne alimentaire [[jusqu’à 10% du riz cultivé en Chine pollué par des métaux toxiques (AFP) – 16 févr. 2011]], problèmes de santé), la Chine semble devoir prendre des mesures mais la tâche est immense. A titre d’exemple, le ministère de la protection de l’environnement estime que 900 tonnes de métaux lourds (plomb, cadmium, arsenic,…) auraient été rejetées dans l’environnement depuis 2007 et que 75 milliards de yuans (8 milliards d’euros), seront nécessaires pour gérer le problème au cours des cinq prochaines années (source Le Monde, Mars 2011). La dégradation globale des écosystèmes entraine de nombreux décès, des atteintes à la santé de plus en plus importantes, des soulèvements populaires dans les zones touchées et des coûts exorbitants [[« Chine et développement durable » – Le Monde, 06/2010]]. De plus, cette volonté d’encadrer l’activité dans des normes environnementales strictes semble également dictée par le souhait d’éradiquer les nombreuses mines artisanales qui alimentent un marché noir qui échappe à Pékin. Éradiquer les filières informelles est une chose, mais amener les unités de production officielles à des impacts considérablement moins importants en est une autre: le 19 février 2011, le ministère de la protection de l’environnement a annoncé un plan de réduction de 15 % des pollutions au plomb à l’horizon 2015 par rapport aux niveaux de 2007. Comme on peut le voir, le chemin est encore long et pas question d’entraver la marche en avant de l’économie chinoise.

Suite de l’article : évolution des aspects environnementaux hors de Chine